CHAPITRE II

Dans sa chambre, Obi-Wan pansait ses plaies, cherchant un moyen d’impressionner Qui-Gon. Comment pourrait-il perfectionner ses dons de combattant ? Il était prêt à tout essayer, en acte comme en paroles, pour convaincre le Chevalier qu’il était digne d’être le Padawan d’un Jedi. C’est alors que Docent Vant lui apporta un écran de données et lui montra les ordres qui venaient de lui parvenir.

Soudain, tous ses beaux rêves volèrent en éclats.

– Ce n’est pas si terrible, tu sais, le consola Docent Vant.

C’était une grande femme à la peau bleue avec une sorte de queue de cheval qui remuait nerveusement.

Obi-Wan fixait l’écran : il devait commencer immédiatement à préparer ses bagages et quitter le Temple au matin.

Il se rendrait à Bandomeer – une planète dont il n’avait jamais entendu parler, située en bordure de l’Anneau Galactique. Là, il rejoindrait le Corps Agricole.

– Je ne comprends pas… Il me reste un mois avant mes treize ans.

– Je sais, répondit Docent Vant. Mais ton vaisseau, le Monument, part demain. Il emporte un millier de mineurs. Il ne peut pas attendre ton anniversaire.

Obi-Wan, bouleversé, parcourut sa chambre des yeux. Au-dessus de lui, trois maquettes de chasseurs Verpine tournoyaient près du plafond. Il les avait fabriquées lui-même. Des champs répulseurs les maintenaient en l’air et leurs feux de vol brillaient de lueurs vertes et violettes tandis qu’ils bourdonnaient joyeusement, conduits par de minuscules pilotes insectoïdes. Les livres et les graphiques s’entassaient sur sa table de travail. Son sabrolaser était accroché au mur à l’endroit habituel. Il ne pouvait pas s’en aller comme ça ! Il était ici chez lui. Il aurait volontiers tout abandonné pour connaître la vie rude et trépidante d’un apprenti, mais pas pour devenir fermier !

Maintenant, il ne serait jamais Chevalier. « Bruck avait raison, se dit-il amèrement. Yoda voulait juste me remonter le moral. Et rien de plus. »

Obi-Wan en était malade de désespoir. Il leva les yeux vers Docent Vant et demanda :

– Je pourrai encore devenir Chevalier Jedi ?

Elle posa doucement la main sur la sienne et lui sourit en dévoilant ses dents pointues, puis secoua la tête.

– Ce n’est pas donné à tout le monde d’être un guerrier. La République a aussi besoin de guérisseurs et de fermiers. Comme tu sais maîtriser la Force, tu pourras soigner les récoltes malades. Grâce à tes talents, tu contribueras à nourrir des planètes entières !

– Mais…

Ce qu’il voulait dire, c’est qu’il se sentait floué. Il avait encore droit à quatre semaines.

–… c’est un travail pour les perdants, les initiés trop faibles pour devenir des Chevaliers. De plus, demain, Qui-Gon Jinn viendra chercher un Padawan. Maître Yoda a dit que je devrais me battre sous ses yeux.

Docent Vant secoua de nouveau la tête.

– C’était avant que les Maîtres n’apprennent la correction que tu as infligée à l’initié Bruck. Croyais-tu vraiment que les guérisseurs garderaient le silence ?

Soudain, horrifié, Obi-Wan comprit ce qui s’était passé. Bruck lui avait tendu un piège et il s’était jeté dedans tête baissée. Il voulut protester, dire qu’il était innocent, que le combat avait été loyal. Et… Pourquoi les guérisseurs ? Bruck n’avait pas besoin de leur aide – sinon pour qu’ils rapportent son mensonge.

– Ce n’est pas la première fois que tu te laisses emporter par la colère, reprit Docent Vant. J’espère que ce sera la dernière. Mais ne prends pas cet air triste. Ce soir, il te faut faire tes bagages et aller saluer tes amis. La Galaxie est bien grande. Ils voudront te voir une dernière fois avant ton départ.

Sur ces mots, elle s’en alla, refermant la porte derrière elle. Le silence retomba, uniquement rompu par le bourdonnement des maquettes de chasseurs qui tournoyaient près du plafond.

Obi-Wan n’avait plus aucun recours. Il se sentait trop bouleversé et trop honteux pour aller faire ses adieux. Il ne voulait voir ni Garen Muln, ni Reeft, ni même sa meilleure amie, Bant. S’il partait comme un voleur, ils lui en voudraient certainement, mais il n’avait pas le courage d’aller les trouver, de leur dire qu’on l’envoyait rejoindre le Corps Agricole. La rumeur se répandrait. Il entendait déjà les ricanements de ses adversaires. Rien ne pourrait laver cet affront.

Bruck lui avait tendu un piège, il s’y était laissé prendre de son plein gré. C’était la triste vérité. Et s’il se laissait embobiner par une brute telle que Bruck, était-il vraiment fait pour être Jedi ?

Obi-Wan se laissa tomber sur son lit. Il avait trahi son Maître. En laissant la colère obscurcir son jugement, il avait perdu sa dernière chance. Et maintenant, ses pires craintes étaient devenues réalité. Après toutes ces années d’entraînement, il n’était toujours pas digne de devenir Chevalier Jedi.

Yoda lui avait toujours dit que la peur et la colère étaient trop fortes en lui, que s’il n’apprenait pas à les contrôler, elles le mèneraient sur des chemins qu’il ne voulait pas emprunter.

« Regarde tes faiblesses droit dans les yeux, sans ciller. Tirer un enseignement de tes fautes tu dois. Alors c’est toi qui les contrôleras, et non l’inverse. »

Les sages conseils de Yoda restaient gravés en lui. Comment avait-il pu les oublier au moment crucial ?

De l’autre côté de la porte, il entendit les autres initiés qui rentraient se coucher. D’une chambre à l’autre, on échangeait des « bonne nuit ». Finalement, la lumière s’éteignit et le silence retomba dans les couloirs.

Obi-Wan se sentit entouré par l’énergie paisible qui émanait de ses camarades endormis, mais cela ne parvint pas à le calmer. Les élèves pouvaient dormir. Ils n’étaient pas bourrelés de remords, eux. Obi-Wan se tournait et se retournait dans son lit, imaginant l’air triomphant de Bruck lorsqu’il apprendrait ce qu’il était advenu de son pire ennemi.

On frappa doucement à sa porte. Il hésita, puis alla ouvrir. C’était Bant ; elle ne dit pas un mot, se contentant de le regarder. La jeune Calamarienne portait une robe verte qui faisait ressortir sa peau couleur saumon. Ses vêtements sentaient le sel et l’humidité, car elle venait de sa chambre, constamment baignée de vapeurs marines. Elle était plutôt petite pour ses dix ans.

Son regard argenté parcourut les bleus et les brûlures du garçon, et elle soupira, l’air de dire : « Tu t’es encore battu. » Puis elle se laissa tomber sur les sacs empilés par terre.

– Tu voulais filer sans me dire au revoir ? fit-elle, les yeux pleins de larmes. Tu allais partir comme ça ?

– On m’a embauché dans le Corps Agricole, répondit-il, espérant qu’elle comprendrait son humiliation. J’aurais bien voulu, mais…

Elle secoua la tête.

– On dit que tu vas rejoindre la planète Bandomeer.

Alors, tout le monde était déjà au courant. Obi-Wan acquiesça. Bant le prit maladroitement dans ses bras.

– Oui, c’est là que je me rends, confirma-t-il en lui rendant son étreinte.

« Mon destin est scellé, pensa-t-il avec désespoir. Je vais devenir fermier. »

Et ce premier adieu serait suivi de nombreux autres. Il ne pouvait l’éviter.

Bant fronça les sourcils et recula d’un pas.

– Cette mission sera dangereuse. On ne te l’a pas dit ?

Obi-Wan secoua la tête.

– Ce n’est que le Corps Agricole, cela n’a rien de dangereux.

– Nous ne sommes pas censés savoir…

–… nous sommes censés agir, compléta Obi-Wan.

C’était une phrase qu’ils avaient entendue maintes et maintes fois dans la bouche des Maîtres, lorsque ceux-ci leur demandaient d’effectuer des tâches dont ils ne pouvaient comprendre l’utilité.

– Me manquer, tu vas, dit-elle, imitant involontairement l’étrange façon de s’exprimer qu’affectait Yoda.

– Désolé, je suis.

Il tenta de sourire, mais en vain. Bant le serra de nouveau contre son cœur, puis s’en alla, dissimulant mal ses larmes.